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Travail politique

Comment pouvez-vous prévenir la violence entre jeunes ?

29/08/2023 - La solution à la violence entre jeunes se trouve-t-elle chez les jeunes eux-mêmes ? Un projet de SOS Villages d'Enfants a donné à 29 jeunes les outils nécessaires pour devenir pairs formateurs. Ils ont pu travailler avec leurs camarades de classe et d'autres élèves afin de créer un environnement sûr, via des discussions ouvertes. « Maintenant que nous connaissons le passé de chacun, nous nous comprenons mieux. »

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Un rôle actif contre la violence

Nous rencontrons Eva, Sarah, Soukaïna, Wafae, Dorcasse et Kelline. Elles sont aspirants en nursing dans une école bruxelloise. L'année dernière, elles ont assumé le rôle de pairs formateur dans leur classe afin de prévenir et de remédier à la violence entre jeunes à l'école.

« Il était parfois difficile d’ouvrir la discussion. »

Leur engagement s'inscrivait dans le cadre du projet « Adopter des comportements protecteurs : prévenir et répondre aux violences entre enfants ». SOS Villages d'Enfants a développé ce projet au cours des deux dernières années en Belgique, en France, en Italie, en Roumanie et en Espagne. En Belgique, 29 jeunes ont été formés en tant que pairs formateurs.

Ouvrir la discussion

Ils ont participé ensemble à un atelier de quatre jours au cours duquel ils ont appris à jouer un rôle actif dans la construction d'un environnement sûr et sans violence. À leur tour, ils ont donné cet atelier à des jeunes d'autres classes, soit 143 jeunes participants.

Et cela a fait forte impression sur les participants. « Quand j'étais petite, j'ai moi-même été confrontée à la violence, confie Eva. Grâce à ce projet, j'ai pu partager ces expériences avec ma classe. J'ai pleuré quand je l’ai raconté. Et je pense que nous avons tous pleuré ce jour-là. Même les garçons, qui ne montrent presque jamais d'émotions. » Dorcasse confirme : « Il était parfois difficile d'ouvrir la discussion. Mais en partageant soi-même quelque chose, les choses se débloquaient par elles-mêmes. À la fin, on sentait vraiment un changement dans le groupe. »

Une fois que l'ouverture a lieu dans le groupe, cela peut déclencher quelque chose, comme l’illustre Eva : « Nous avons soudain compris que nous avions tous vécu des choses. Personne n'a eu une enfance "ordinaire". Nous avons tous notre douleur, notre passé. Maintenant que nous savons cela, nous nous comprenons mieux. Nous avons développé de l'empathie les uns pour les autres. »

Un risque plus grand

La violence entre jeunes, du (cyber)harcèlement à la violence physique voire sexuelle, est l'une des formes de violence les plus courantes auxquelles les jeunes sont confrontés. Selon l'Unicef, plus d'un jeune sur trois âgé de 13 à 15 ans est victime de harcèlement.

En amont du projet, SOS Villages d'Enfants a discuté avec 47 jeunes pour chercher les causes et les solutions possibles. Ils ont indiqué que les jeunes qui sont un peu différents courent un plus grand risque d'être victimes de violence. Couleur de peau, vêtements, corps, langage, comportement, situation familiale... : les jeunes qui diffèrent de la norme sont plus susceptibles d'être pointés du doigt.

« Les jeunes qui diffèrent de la norme sont plus rapidement pointés du doigt. »

Soukaïna reconnaît cette situation : « Un garçon m'a dit en classe que ses amis lui avaient donné un surnom à cause de la couleur de sa peau. Au début, il disait qu'il trouvait ça drôle, que c'était juste une blague. Par la suite, il est venu nous dire à part qu'il n'aimait vraiment pas ce surnom, qu'il se sentait mal par rapport à cela. »

Le fait d'en parler ouvertement peut vraiment avoir un impact, souligne Eva : « Dans la classe que j’accompagnais, il y avait une fille qui était systématiquement en dehors du groupe. Personne ne faisait rien pour y remédier. Pendant l'atelier, elle a trouvé l’opportunité et la confiance nécessaires pour dire à la classe ce qu'elle ressentait. À la fin de l'atelier, le comportement de la classe avait vraiment changé. Elle avait désormais sa place. Je la croise encore régulièrement dans la cour de récréation. Son regard a changé. Elle sourit. »

L'estime de soi

Une situation familiale vulnérable augmente le risque que les jeunes soient confrontés à la violence, qu'ils en soient la cible ou l’initiateur. Des recherches menées au Royaume-Uni montrent que, dans l'enseignement primaire, les enfants avec une expérience dans l’aide à la jeunesse sont deux fois plus exposés aux comportement de harcèlement. Dans l'enseignement secondaire, ce taux est même quatre fois plus élevé.

Dans l'étude préliminaire, les jeunes nous ont dit qu'un contexte de violence ou de négligence peut faire naître des émotions intenses. Et qu'un tel contexte affecte l’estime de soi et la confiance en soi des jeunes. Cela peut donner lieu à des comportements agressifs ou à une vulnérabilité accrue vis-à-vis de la violence.

La violence peut également être le résultat d'un rapport de force. Certains enfants ont une très forte estime d'eux-mêmes, tandis que d'autres ont une très faible estime d'eux-mêmes. Certains commencent alors à se sentir supérieurs et d'autres inférieurs.

Réduire les différences

Les jeunes soulignent par ailleurs le rôle des adultes. Wafae : « La réaction des enseignants est très importante. Ils peuvent réduire la différence mais aussi l'accentuer. Dans l'école où j'ai donné des ateliers, il y avait un garçon avec un nom un peu bizarre. C'est en fait une insulte en français. Tout le monde se moquait de lui avec ce nom. Et l'enseignant ne disait rien. Pire, il s'est aussi moqué de son nom. Laisser passer, c'est déjà grave. Mais se moquer aussi ? Cela m'a choqué. »

Les jeunes attendent des adultes qu'ils n’accentuent pas les différences mais qu'ils rapprochent les jeunes. Ils n’aiment pas lorsqu’ils remarquent que les jeunes qui ont du talent reçoivent plus d'attention.

« La réaction des enseignants est très importante. Ils peuvent réduire la différence mais aussi l'accentuer. »

Ils demandent que l'individualité de chaque enfant soit mise en valeur. Il s'agit de travailler sur le respect et l'appréciation de la diversité au sein d'une classe : d'où vous venez, ce que vous aimez faire, votre plat préféré, les choses pour lesquelles vous êtes doué ou moins doué, votre personnalité… Mais aussi ce que vous avez vécu. Tout cela fait de chaque jeune une personne unique.

Remarquer et réagir

Sarah estime que de nombreux adultes remarquent la violence dans un groupe mais ne savent pas comment y réagir. C'est ce qui ressort d'une enquête menée auprès de 121 professionnels de l’aide à la jeunesse. Un répondant sur quatre estime que son organisation ne fournit pas suffisamment de conseils sur la manière de gérer la violence entre jeunes. 63 % d'entre eux souhaitaient davantage d'informations sur la manière dont les enfants et les jeunes peuvent se protéger contre la violence.

Qu'attendent les jeunes des adultes ? Les jeunes qui ont participé au projet ont indiqué quelques lignes directrices claires. Ils attendent des adultes qu'ils soient des modèles, qu'ils traitent tout le monde sur un pied d'égalité et qu'ils valorisent le caractère unique de chaque jeune. Qu'ils parlent avec les jeunes des préjugés, qu'ils créent un environnement sûr où les jeunes osent exprimer leurs expériences et leurs émotions, et qu'ils soient disponibles et à l'écoute. Et enfin, qu'ils ne minimisent pas les expériences des jeunes.

Qu'est-ce qui est acceptable ?

Grâce à toutes ces discussions ouvertes, les jeunes apprennent ensemble ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. « Il est parfois difficile de savoir comment interpréter les choses, explique Soukaïna. J'ai souvent remarqué que les jeunes ne savent pas vraiment s'ils sont victimes de violence ou non, s'il s'agit d'un comportement normal ou non. »

« J'ai souvent remarqué que les jeunes ne savent pas vraiment s'ils sont victimes de violence ou non, s'il s'agit d'un comportement normal ou non. »

Sarah raconte un exemple poignant : « L'une des dernières discussions de groupe portait sur les actes inappropriés. L'une des filles a posé une question que je n'oublierai jamais. "C'est si grave que ça ? Quelqu'un dans ma famille me fait ça presque tous les jours." Cette fille a été victime d'abus sexuels, mais elle n’avait pas réalisé que ce n'était pas acceptable. »

« Après le cours, je l'ai prise à part pendant un moment. Je lui ai dit en toute confiance que son frère ne devait pas faire cela. C'était vraiment trop lourd pour moi. En collaboration avec SOS Villages d'Enfants et la jeune fille, un lien a ensuite été établi avec un service d’aide professionnel. Mais je ne sais pas comment elle va aujourd'hui. »


Besoin d'implication

Cela nous amène directement à la plus grande critique des participants : ils veulent rester en lien avec les jeunes qu'ils ont pu aider, même après leurs ateliers. Kelline déclare : « Nous avons tous rencontré des jeunes qui se sont confiés à nous, mais nous ne savons pas forcément s'il s'est passé quelque chose après pour les aider. Je trouve cela dommage. »

D’autant plus que les jeunes peuvent jouer un rôle unique dans l’accompagnement de leurs pairs, comme le montre l'histoire d'Eva. Elle a récemment fait un stage dans un service d’hébergement de l’aide à la jeunesse, où elle a noué une relation particulière avec l'une des jeunes filles. « Pendant la courte période où j'étais là, elle m'a raconté tout son passé traumatique. Elle n'avait osé confier ce qu'elle m'a dit à aucun éducateur. »

Cette confiance n'est pas seulement due à la proximité entre jeunes, mais aussi à la distance que certains travailleurs sociaux mettent en place. Eva raconte : « Cette jeune fille m'a raconté à quel point certains éducateurs réagissaient négativement. Ils ne tenaient pas du tout compte de ce qu'elle avait vécu. J'aimerais travailler un jour dans l’aide à la jeunesse, mais pas s'ils réagissent aussi brutalement. »

En les impliquant activement, les jeunes peuvent jouer un rôle crucial dans la prévention de la violence entre jeunes. Les enseignants et les travailleurs sociaux ont eux aussi beaucoup à apprendre des jeunes. Il est temps d'y contribuer.


Vous travaillez sur cette thématique ?

Les personnes qui souhaitent approfondir cette thématique peuvent consulter le site de SOS Villages d'Enfants où beaucoup de matériel est disponible, notamment un guide pratique pour les professionnels de la jeunesse, un module de formation en ligne et des vidéos de sensibilisation créées par les jeunes pour les jeunes et pour les professionnels.

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