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"Ça ne peut pas être si grave que ça" : Meredith se bat pour que les enfants qui ont vécu des expériences traumatiques n’aient plus à entendre ça

19/10/2022 - Meredith a longtemps gardé en elle les événements difficiles auxquels elle a été confrontée à la maison dès son plus jeune âge. Lorsqu’elle a enfin osé se confier à un adulte, elle n’a malheureusement pas trouvé suffisamment de compréhension et de considération. « Ça ne peut pas être si grave que ça », lui a-t-on répondu. C’était il y a plus de 40 ans. Mais, aujourd’hui encore, trop d’enfants ayant vécu des expériences traumatiques ne trouvent pas le soutien dont ils ont besoin. C’est ce pour quoi Meredith se bat aujourd’hui.

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Une situation difficile à la maison

Meredith a vu le jour dans un foyer familial où sa maman et son papa n’étaient pas en mesure de lui offrir les soins et l’attention dont un nourrisson a besoin pour grandir et s’épanouir. À l’âge de 9 mois, elle est alors accueillie chez la sœur de sa grand-mère où elle a vécu pendant 8 ans. « Physiquement, j’étais enfin en sécurité. Émotionnellement, pas du tout. Il y avait déjà de nombreuses choses cassées en moi, car la première année d’un bébé est importante pour développer des liens d’attachement sain. »

Meredith retourne ensuite vivre auprès de sa maman, mais la situation à la maison est particulièrement difficile. Parce que le poids des événements auxquels elle est confrontée est trop lourd à porter seule, Meredith commence à développer des mécanismes de dissociation.

« La psychologue du PMS m’a demandé de m’assoir. J’ai pleuré et je lui ai tout raconté. C’est alors qu’elle m’a interrompue, m’a tendu un mouchoir et m’a dit : "Allez, mouche-toi. Ça ne peut pas être si grave que ça. Mouche-toi et retourne en classe." »

Meredith, personne ayant vécu des expériences traumatiques

« Cette phrase a été un coup de massue »

« À l'âge de 12 ans, en première année d’humanité dans ma nouvelle école, j’ai reçu pour la première fois un formulaire dans lequel j’avais la possibilité de demander à parler avec une psychologue du centre PMS (centre psycho-médico-social). Je n’avais jamais parlé de mon histoire à personne. » Quelques semaines plus tard, Meredith est convoquée dans le bureau de la psychologue.

« Elle m’a demandé de m’assoir. Je sentais qu’elle n’avait pas le temps, qu’elle avait des papiers à faire. Je me sentais coupable, se souvient-elle. J’ai pleuré et je lui ai tout raconté. C’est alors qu’elle m’a interrompue, m’a tendu un mouchoir et m’a dit : "Allez, mouche-toi. Ça ne peut pas être si grave que ça. Mouche-toi et retourne en classe." Cette phrase a été un coup de massue. Cela a fait énormément de dégâts. Après cela, les mécanismes de dissociation que j’avais déjà se sont renforcés. J’étais comme gelée à l’intérieur. Je me regardais de l’extérieur. Je n’étais pas dans mon corps. J'ai cessé de ressentir des émotions. »

Écouter peut vraiment faire la différence

Aujourd'hui, les enfants qui ont vécu des expériences traumatiques répétées se sentent encore trop souvent non entendus et incompris par les personnes qui les entourent : dans leur structure de prise en charge, dans l'aide à la jeunesse, à l'école, au club de sport…

Selon Meredith, écouter et reconnaître le vécu des victimes de traumatismes est pourtant essentiel pour les accompagner sur le chemin de leur rétablissement. : « Par exemple, lorsque j’étais à l’école primaire, j’ai participé à un quiz sur la sécurité routière. Nous étions dans une grande salle avec d’autres classes. Un homme que je ne connaissais pas, qui était sans doute un collègue de mon père, s’est arrêté à côté de moi et m’a dit gentiment :

"- Tu es Meredith ?

- Oui.

- Ma petite, quand même…" (en me caressant le dos)

Cela a été une bouffée d’oxygène. C’était un tout petit geste. Il ne m’a rien demandé, ne m’a rien dit, n’a pas essayé d’entamer la conversation. Mais c’était la première personne qui me regardait avec un air de reconnaissance : "Ce que tu vis, c’est lourd, je sais." C’est ça qui fait la différence. Il m’a donné le sentiment que ce que je ressentais était vrai et légitime. Tout le contraire de la psychologue du centre PMS. »

« Toute ma vie durant, j’ai eu le sentiment de ne pas pouvoir exister. Je voulais toujours être invisible, toujours sage, toujours avoir des bons points. »

Meredith, personne ayant vécu des expériences traumatiques

Les expériences traumatiques : un impact tout au long de la vie

Bon nombre d’enfants que nous accueillons dans nos projets ont, comme Meredith, vécu des expériences traumatiques répétées dans le passé. Ces expériences peuvent influencer de nombreux aspects de leur vie : cela rend les relations sociales plus difficiles, diminue l'estime de soi et la confiance en soi, génère des difficultés d'apprentissage, freine le développement et menace la santé physique.

Meredith confirme : « Pendant mes 9 premières années [chez la sœur de ma grand-mère], j’étais telle une poupée. Je souriais toujours. J’essayais de ne pas déranger. Je m’effaçais. Toute ma vie durant, j’ai eu le sentiment de ne pas pouvoir exister. Je voulais toujours être invisible, toujours sage, toujours avoir des bons points. J’étais toujours deuxième de la classe : pas première, pour ne pas être trop visible. »

L’impact des expériences traumatiques vécues durant son enfance et son adolescence s’est également fait ressentir à l’âge adulte : « J’avais peur de vivre. J’avais peur des autres gens. Je faisais beaucoup de mauvais choix dans mes relations romantiques. Mais j’ai su demander de l’aide et des gens sont venus sur mon chemin : des thérapeutes, des femmes fortes, des chefs qui ont été importants pour moi. »

« En tant que personnes ayant fait l’expérience de traumatismes durant l’enfance, nous pouvons expliquer aux professionnels de l’enfance ce qui nous a aidé et ce qui ne nous a pas aidé. »

Meredith, personne ayant vécu des expériences traumatiques

« Dire ce qu’il s’est passé est très thérapeutique »

Aujourd’hui, Meredith est coach et coordinatrice de l’association Echo-Lotgenotenwerking, qui réunit des personnes ayant été victimes de maltraitance durant l’enfance pour qu’elles puissent échanger ensemble : « Entendre le vécu similaire des autres fait beaucoup de bien. » Mais Meredith insiste aussi sur le pouvoir de la parole : « Il est très fortifiant de pouvoir parler. Dire ce qu’il s’est passé est très thérapeutique » souligne-t-elle.

« Oser parler, oser ressentir, oser ne plus fuir les émotions mais au contraire oser les accepter. Mais aussi s’entourer de personnes qui vous encouragent à prendre soin de vous-même. Pas de personnes qui vous culpabilisent. Oser fuir ce qui est toxique et oser choisir pour soi-même. »

C’est pour faire entendre la voix de ces personnes que Meredith a choisi de participer à notre journée de sensibilisation pour aborder comment et pourquoi implémenter une approche sensible aux traumatismes dans la prise en charge des enfants et des jeunes du 17 octobre 2022, à laquelle ont participé 400 professionnels travaillant régulièrement auprès d’enfants. « En général, lorsque l’on évoque les traumatismes, on écoute les experts. À nous, les victimes, on nous dit que c’est courageux de parler, sans écouter réellement ce que l’on dit, regrette Meredith. Nos témoignages ne sont pas vraiment vus comme une expertise. Mais l’expérience fait aussi partie de la connaissance. En tant que personnes ayant fait l’expérience de traumatismes durant l’enfance, nous pouvons expliquer aux professionnels de l’enfance ce qui nous a aidé et ce qui ne nous a pas aidé. »

Meredith a pris la parole lors de notre journée de sensibilisation pour une prise en charge sensible aux traumatismes des enfants © Griet Dekoninck

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