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Travail politique

Nous sous-estimons l’impact des expériences traumatiques répétées subies pendant notre (petite) enfance

La majorité des Belges savent que les expériences traumatiques subies pendant l’enfance peuvent entrainer des troubles mentaux tels que l’anxiété, les cauchemars et la dépression. En revanche, une grande part de la population ignore que ces expériences traumatiques peuvent aussi avoir un impact profond sur la santé physique. C’est ce que révèle une enquête menée auprès de 2 000 Belges par les organisations de l’aide à la jeunesse SOS Villages d’Enfants et OBC Ter Wende-Espero.

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D’après cette enquête, 7 Belges sur 10 pensent que les troubles dépressifs sont plus fréquents chez les adultes ayant dû faire face à des expériences traumatiques répétées pendant leur enfance. L’anxiété, les cauchemars et une faible estime de soi sont également mentionnés parmi les symptômes listés. En revanche, seul 1 Belge sur 4 voit un lien entre les traumatismes et les maladies cardiovasculaires, et 1 sur 5 avec le cancer.


Un risque de cancer plus élevé

« Pourtant, cette relation existe bel et bien », confirme la pédopsychiatre Eva Kestens d’OBC Ter Wende-Espero. « Si les enfants sont exposés à des expériences traumatiques répétées comme les abus et la négligence, mais aussi le harcèlement et le racisme, des traumatismes complexes peuvent apparaitre. Surtout s’il se produit à un jeune âge, l’impact d’un tel traumatisme peut avoir des répercussions sur le comportement et la santé tout au long de la vie. Même plusieurs décennies après les faits, les victimes peuvent encore souffrir de peurs, de cauchemars et d’autres symptômes psychologiques », explique Eva Kestens. « Le stress toxique chronique provoqué par les traumatismes augmente le risque de développer des maladies auto-immunes, cardiovasculaires et des cancers, avec une corrélation plus élevée que celle entre le tabagisme et le cancer du poumon. »

« Une relation sûre et stable avec un adulte est incroyablement importante pour aider les enfants à se remettre d’expériences traumatiques. Reconnaitre que ce qu’ils ont vécu est une injustice est primordial. »

Hilde Boeykens, directrice de SOS Villages d'Enfants Belgique

Il ne faut pas nécessairement être un professionnel pour aider

Heureusement, il existe aussi des solutions qui permettent à la fois de prévenir et d’accélérer le rétablissement. Les répondants à l’enquête ont souvent mis en avant l’aide psychologique. 50 % ont répondu que les personnes souffrant de traumatismes complexes ne peuvent être aidées que par des professionnels. Hilde Boeykens, directrice de SOS Villages d’Enfants, tient à nuancer ce propos. « Une relation sûre et stable avec un adulte est également incroyablement importante pour aider les enfants à se remettre d’expériences traumatiques. Reconnaitre que ce qu’ils ont vécu est une injustice est primordial. »

© Katerina Ilievska

Idées reçues

La croyance selon laquelle les enfants de moins de trois ans ne se souviennent pas assez des expériences traumatiques que pour en subir des conséquences est une idée reçue que nous aimerions corriger. 18 % des personnes interrogées croient encore à cette idée, et 50 % déclarent que l’âge ne joue pas de rôle. Eva Kestens précise que « les traumatismes complexes s’inscrivent dans le cerveau et dans le système nerveux. Le cerveau d’un enfant se développe à une vitesse incroyable, en particulier pendant les premières années de l’enfance. Si ce système nerveux est fréquemment mis à l’épreuve sans répit, il commence à se développer différemment, ce qui a un impact considérable sur le corps. Ce système est notamment lié au système immunitaire. »

La pédopsychiatre souligne également que les gens peuvent tout à fait se remettre d’un traumatisme complexe et maitriser leur système nerveux. 45 % des répondants ne croient pas qu’un rétablissement soit possible, ou ne le savent pas. Eva Kestens ajoute que « si la prise en charge arrive assez tôt, si les victimes sont correctement entourées et si une thérapie ciblée peut être apportée, alors elles peuvent faire de grands progrès. » D’après la pédopsychiatre, il serait aussi bénéfique de miser sur la prévention des expériences traumatiques. Une étude récente a estimé à 581 milliards de dollars* les frais de santé liés aux « expériences négatives durant l’enfance » (Adverse Childhood Expériences) en Europe. Investir dans la prévention des expériences traumatiques permettrait à notre société d’économiser beaucoup d’argent et d’éviter encore plus de souffrances. La même étude indique que notre société pourrait économiser 105 milliards de dollars si le nombre d'expériences traumatiques vécues dans l'enfance diminuait de 10 %.

« Si les victimes sont correctement entourées et si une thérapie ciblée peut être apportée, alors elles peuvent faire de grands progrès. »

Eva Kestens, pédopsychiatre chez OBC Terwende-Espero

Vers une société sensible aux traumatismes

Ces dernières années, SOS Villages d’Enfants et OBC Ter Wende-Espero ont investi dans une prise en charge des enfants qui porte une attention particulière aux traumatismes. Elles ont également organisé des formations pour les professionnels de l’aide à la jeunesse. Mais il faut aller un cran plus loin et sensibiliser le plus grand nombre à la compréhension de ces traumatismes complexes. Cette sensibilisation peut avoir lieu dans les écoles, les clubs de sports, les commissariats, les centres de loisirs, etc.   

Hilde Boeykens ajoute que « la majorité des enfants avec lesquels nous travaillons ont vécu des expériences traumatiques dans leur passé. Ils ont appris à faire face à des situations qu’aucun enfant ne devrait connaitre. Certains enfants ont appris à se faire aussi petits que possible, à devenir invisibles, ce qui est typique des cas d’abus par exemple. D’autres ont simplement développé des stratégies pour être vus à tout prix, ce qui peut être une réaction à la négligence. Aujourd’hui, ces enfants sont encore trop souvent jugés pour leur comportement. Ils sont punis à l’école, réprimandés par les parents de leurs camarades de classe ou oubliés pour les fêtes d’anniversaire. Ils se sentent incompris et ignorés, ce qui peut aggraver leurs expériences traumatiques. SOS Village d’Enfants souhaite changer cela, en collaboration avec les organisations OBC ter Wende-Espero et un réseau d’autres partenaires. »

Nous pensons que chacun d'entre nous peut y contribuer. C'est pourquoi nous proposons des conseils à différents groupes cibles sur la manière d'aborder les enfants en tenant compte de leurs traumatismes. Les professionnels de la santé peuvent commencer par consulter notre guide pratique sur les pratiques de prise en charge sensibles aux traumatismes.

« Aujourd’hui, ces enfants sont encore trop souvent jugés pour leur comportement. Ils sont punis à l’école, réprimandés par les parents de leurs camarades de classe ou oubliés pour les fêtes d’anniversaire. Ils se sentent incompris et ignorés, ce qui peut aggraver leurs expériences traumatiques. »

Hilde Boeykens, directrice de SOS Villages d'Enfants Belgique

À propos des organisations OBC ter Wende-Espero

Les organisations OBC ter Wende-Espero sont deux centres thérapeutiques situés à Louvain et à Bruxelles. Ils aident les familles et les jeunes en conflit au sein de la sphère privée. Comment ? Les centres proposent des solutions sur mesure en fonction des besoins des familles : des séjours résidentiels en groupe, des thérapies individuelles, des sessions d’orientation scolaire ainsi qu’un travail familial. Les organisations OBC œuvrent pour la création d’un lieu de reconnaissance pour les personnes souffrant de traumatismes complexes.


* Life course health consequences and associated annual costs of adverse childhood experiences across Europe and North America: a systematic review and meta-analysis (thelancet.com)

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