Récoltes de fonds

Quelques mots à... la table vide

Selon une vieille tradition ukrainienne, nous ajoutons toujours une assiette supplémentaire à table pour Noël. Cette place est une manière de rendre hommage à ceux qui n'ont pas pu être là cette année : les membres de la famille décédés, ceux qui sont loin ou ceux que nous aurions aimé avoir auprès de nous. Chaque personne présente à la table peut « remplir » cette place et lui donner sa propre histoire, sa propre signification. C’est une tradition émouvante et symbolique.

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Je m’appelle Yaremma Vengrynovych. Je suis un Belge de 24 ans d’origine ukrainienne. L’an, passé, j’ai roulé à vélo de Belgique jusqu’en l’Ukraine pour récolter des fonds pour SOS Villages d’Enfants. J’ai visité le village d’enfants situé près de Kiev et deux centres sociaux de l’est du pays. L’un d’entre eux se trouvait à Stanytsia Louhanska, le dernier village avant la ligne de front de l’époque. On y entendait chaque jour des coups de feu. Le travail que ces personnes accomplissent là-bas est incroyable : en 2014, elles se sont mises à l'abri des bombardements, ont vécu pendant des mois en territoire occupé et ne sont jamais parties. Elles continuaient de travailler quotidiennement avec des enfants qui avaient subi de grands traumatismes. Il est difficile d’imaginer que ce village n’existe désormais plus. Le bâtiment dédié aux mères sans logement et à leurs enfants, qui avait vu le jour en partie grâce à mon action, n’existe plus non plus.

Lorsque la guerre a éclaté, j’ai pris directement contact avec SOS Villages d’Enfants en Belgique et en Ukraine. Nous avons mis en place plusieurs initiatives pour fournir une aide financière et matérielle. L’apogée de cette mobilisation a eu lieu le 17 juin : nous avons organisé une soirée de bienfaisance avec et en faveur de SOS Villages d’Enfants à la foire commerciale d’Anvers.  Nous y avons réuni plusieurs grandes entreprises issues du monde des affaires belge pour soutenir mon pays d'origine. 180 personnes, 10 personnes par table, mais néanmoins 19 tables au total. La 19e table trônait au milieu de la salle et est restée vide. La traditionnelle place vide s’est transformée en 10 places vides. Cette table vide est un hommage aux personnes qui ne pouvaient pas être là. À ma famille qui, même dans l’ouest de l’Ukraine, se cache encore tous les jours dans des caves. Aux amis de Taras, le co-organisateur de la soirée, qui ont combattu à Kiev. Au père de ma copine, qui se trouve sur le front et a vu 3 roquettes s’écraser à 300 mètres de lui.

Je suis moi-même retourné deux jours dans l’ouest de l’Ukraine. J’ai vu un père en pleurs attendre sa femme et ses deux enfants à un arrêt de bus et les revoir pour la première fois depuis des mois. J’ai écouté ma famille m’expliquer ce que je dois faire lorsque la sirène d’attaque aérienne retentit. J’ai pris conscience que le bruit des avions ne peut être que celui d’avions militaires et qu'on ne sait jamais ce qui peut se passer. J’ai observé l’oncle de ma copine dire au revoir à sa femme après quelques jours de « congé » pour reprendre son poste de médecin sur la ligne de front à l’Est.

J'ai beaucoup réfléchi ces derniers temps à la symbolique de la table vide. Entre mes actions pour soutenir mon pays natal et mes examens à l’université, j’étais physiquement et émotionnellement épuisé. Néanmoins, après ces deux jours passés en Ukraine, je me sens pleinement rechargé pour entreprendre de nouvelles actions. Parce que l’on ne sait jamais ce qui peut se passer et qui occupera un jour la place vide à table. Il est de mon devoir de rendre ces gens fiers. Il est de mon devoir de m’assurer que la place vide reste aussi vide que possible.

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