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Familles en Belgique

La rétrospective d’Ahmed, éducateur, sur deux années d’existence de la Maison Hejmo

Ahmed el Abed est éducateur dans la Maison Hejmo. Il est aussi un exemple pour les enfants et les jeunes qui y grandissent. Il évoque le chemin parcouru au cours des deux dernières années.

Ahmed el Abed

Expert par son propre vécu

Je dois d’abord dire que j’ai moi-même vécu ce que nos enfants et nos jeunes d’Hejmo traversent en ce moment. Je suis né en Mauritanie, où j’étais ingénieur du son. Mais je n’y étais plus en sécurité et j’ai dû fuir mon pays en 2013. Pour moi aussi, cela a été difficile. Le voyage, la procédure de demande d’asile en Belgique, l’apprentissage de la langue, la découverte de la culture, la recherche d’un travail… tout cela fut éprouvant. Et ma famille me manquait. Un an environ après mon arrivée, je signais mon premier contrat de travail en Belgique, dans une recyclerie. J’ai ensuite acquis une expérience d’éducateur en travaillant dans un centre d’accueil de Fedasil et, en novembre 2016, j’ai débuté chez Hejmo. Le fait d’être réfugié moi-même m’aide dans mon travail avec les enfants et les jeunes. Je leur parle souvent de ma propre expérience. Je peux leur dire : « Ce que tu traverses est normal. J’ai vécu exactement la même chose. » Je connais l’ampleur des défis qu’ils ont à relever.

Si j’en suis capable, tu l’es aussi. Et tu peux même faire mieux.

Ahmed, éducateur à la Maison Hejmo

Du dentifrice et des kilos de fruits

Si je compare Hejmo au centre d’accueil où je travaillais précédemment, nos jeunes sont beaucoup mieux préparés à relever ces défis. Hejmo étant beaucoup plus petit, nous pouvons accompagner chacun de manière tout à fait personnalisée. Mon travail est aussi plus prenant ici : je suis en partie un parent pour eux, avec toutes les responsabilités que cela implique.

Un exemple des progrès déjà accomplis : au départ, l’école se plaignait régulièrement de l’hygiène de nombreux jeunes. Mais, dans les conditions où ils ont grandi, l’hygiène n’était tout simplement pas à l’ordre du jour. Aujourd’hui, ils viennent spontanément vers nous quand ils sont à court de dentifrice ou de savon. De même pour la nourriture : au début, ils avalaient n'importe quoi, des chips, des sodas, des biscuits. Aujourd’hui, ils cuisinent eux-mêmes. Et ils mangent des légumes et des kilos de fruits. Ils prennent la responsabilité de s’occuper de leur corps et de leur santé. C’est un fameux pas en avant !

Si j’en suis capable, tu l’es aussi

Cette responsabilité individuelle est très importante. Nous les encourageons à se prendre en charge le plus possible. « Pas envie d’aller à l’école ? OK. Je ne vais pas te punir. Je ne vais pas t’y obliger. Mais tu devras tout rattraper plus tard. » Attention, cela ne marche que si vous parlez beaucoup avec eux. Énormément, même. « Tu veux trouver un boulot plus tard ? Une maison ? Une voiture ? Fonder une famille ici ? Dans ce cas, tu dois parler la langue du pays. Décrocher un diplôme. Acquérir des compétences. Trop difficile pour toi ? Bien sûr que non. Regarde-moi. J’ai réussi. Si j’en suis capable, tu le peux aussi. Et tu peux même faire mieux. »

La religion est un choix, non une obligation

L’apprentissage de la langue ne sera vraiment un succès que si l’on s’ouvre aussi à la culture du pays. Cela ne signifie pas oublier tout ce qu’on a appris chez soi et adopter complètement les mœurs locales. Mais plutôt compléter le positif de sa culture avec ce qu’il y a de meilleur ici. En matière de religion par exemple : pour beaucoup de jeunes du Moyen-Orient, la religion est quelque chose d’obligatoire et de strict. Un moyen de faire la distinction entre « eux » et « nous ». Lors du premier Ramadan passé à Hejmo, il y a eu une forte pression parmi les adolescents pour que tout le monde respecte le jeûne. C’était contraignant. Nous avons essayé de leur montrer qu’il peut aussi y avoir du bon dans ce qui n’est pas l’islam. Que des personnes d’une autre religion les aident aujourd’hui. Que l’islam, ce n’est pas la haine, mais l’amour. Je suis même allé un jour avec un jeune voir un imam à Bruxelles, pour lui montrer une autre expérience de la religion. Aujourd’hui, l’atmosphère est différente : chacun choisit personnellement de participer ou non au Ramadan. La religion est devenue un choix, pas une obligation.

Je connais l’ampleur des défis qu’ils ont à relever.

Ahmed, éducateur à la Maison Hejmo

Poser des limites avec des mots

Ce côté « dur », nous l’avons ressenti aussi au début, dans la façon dont les jeunes se posaient des limites les uns aux des autres. Dans leur pays d’origine, beaucoup ont appris que poser des limites, c’est donner des coups. À force d’écoute, de concertation, de discussions, d’exemples et de vécu partagés, ils comprennent à présent qu’on peut aussi poser des limites avec des mots. Nous respectons leur vision, mais nous leur montrons qu’il peut aussi en être autrement. Cela a rendu notre vie en commun à Hejmo beaucoup plus sereine et plus dynamique.

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