Comment réagir face à des enfants traumatisés ? Les pistes de Raphaël Gazon
Le sort des enfants victimes de traumatismes vous touche ?
En Belgique, SOS Villages d’Enfants accompagne au quotidien une centaine d’enfants et de jeunes qui ne peuvent pas grandir chez eux. La plupart ont vécu des traumatismes complexes. Chaque jour, nous faisons de notre mieux pour qu’ils se sentent vus et entendus.Les enfants ayant vécu des traumatismes adoptent souvent des comportements déroutants. Comment les comprendre, et surtout, comment y répondre de manière adéquate ? Nous avons posé la question au psychologue Raphaël Gazon.
Comprendre les comportements
Avant tout, il est crucial de changer de regard sur les comportements « difficiles » de certains enfants. En particulier ceux qui évoluent dans un environnement familial instable.
Pour les enfants qui grandissent dans un environnement sain, ces réactions ne doivent pas alarmer. En revanche, quand il s’agit d’enfants en détresse, ces comportements ne doivent pas être interprétés comme de la provocation ou de la mauvaise volonté. Il s’agit de véritables stratégies de survie : « Ce sont des comportements de contrôle de la relation, en lien avec un très grand besoin d'être en relation et en même temps une très grande peur d'être en relation, » explique Raphaël Gazon.
Le psychologue distingue deux grandes catégories de comportements :
- Des comportements de contrôle de la relation : chercher à provoquer l’adulte, tester les limites, créer du conflit : autant de façons de solliciter une réaction de l’autre et de vérifier la solidité du lien.
- Des comportements de régulation interne : il s’agit de tentatives souvent maladroites — parfois dangereuses — pour apaiser une tempête émotionnelle interne : mutilations cachées, consommation précoce de substances, domination ou violence envers d’autres enfants, etc.
Comprendre ce qui se cache derrière ces comportements est essentiel pour réagir de manière adéquate. Nous pouvons alors mieux adapter notre réponse et éviter les réactions punitives, qui sont au mieux inefficaces, au pire aggravantes.
Offrir un cadre prévisible
Pour des enfants pour qui le monde semble instable et menaçant, la prévisibilité du cadre posé par les adultes est essentielle.
« On doit installer un système autour de ces enfants qui soit extrêmement prévisible, c’est-à-dire un système de règles, où les choses sont très prévisibles en termes de ce qu’on peut faire et ce qu’on ne peut pas faire. »
Le besoin de contrôle, plus recherché que l’amour
Le fait que les enfants aient besoin de règles ne veut cependant pas dire qu’ils ne chercheront pas à les contourner. Si ces enfants testent continuellement les limites, ils ne le font pas gratuitement, mais parce que les exceptions et les failles leur donnent l’impression d’exister.
« Parce que quand on réagit, même en gueulant et même en les punissant, ça leur donne la sensation d'exister, d'avoir du contrôle. Or, les enfants qui ont des gros traumas d'attachement ne recherchent pas l'amour, ils recherchent le contrôle. »
Rejoindre l’enfant dans son monde
Une fois le cadre posé, il est aussi important d’offrir à l’enfant une présence sensible et authentique.
« On doit trouver la sensibilité suffisante pour le rejoindre en tant qu'humain. Et cette sensibilité elle doit être sincère, authentique et prévisible, » explique Raphaël Gazon.
L’objectif : construire un modèle de sécurité relationnelle
Avec le temps, ce mélange de compréhension, de constance et de sensibilité aide les enfants à refaire confiance aux adultes qui les leur offrent .
« Si on offre à la fois ce cadre bien tenu et cette sensibilité et qu'on tient ça sur la durée, la plupart des problématiques d'attachement s'apaisent. »
Raphaël Gazon, psychologue
Cette première zone de sécurité relationnelle devient alors un modèle interne pour l’enfant. Sur base de ce modèle, il apprend à repérer les bonnes et les mauvaises relations, et à s’orienter vers celles qui lui font du bien. Peu à peu, il peut alors se construire un sentiment de sécurité, vis-à-vis des autres mais aussi vis-à-vis de lui-même.
Et dans nos projets ?
Les enfants et les jeunes qui grandissent dans nos projets peuvent parfois avoir un comportement « difficile ». Quelle attitude nos équipes adoptent-elles pour les accompagner au mieux ? Réponses avec Camille et Lyne, éducatrice et psychologue à Chantevent.