Un enfant ne peut pas oublier ce que son corps retient

Ce n’est pas un hasard si le Bijou de Ville de SOS Villages d’Enfants est exposé au Palais de Justice d’Anvers en ce mois de septembre. Lors de l’inauguration de l’exposition, Herman Dams, juge de la jeunesse, a pris la parole. Fort de son expérience dans les tribunaux, il a insisté sur les conséquences des traumatismes répétés dans l’enfance.

« Les enfants sont les victimes les plus vulnérables des traumatismes. Même des événements dont ils n’ont aucun souvenir laissent des traces profondes dans leur inconscient et influencent toute leur vie future. » Le juge Dams le constate chaque jour dans ses dossiers. « Les traumatismes sont le thermomètre avec lequel je lis mes affaires. Plus il y a de traumatismes, plus le risque est grand qu’un jeune se retrouve dans l’impasse. »

Les 1 000 premiers jours sont déterminants

« Un traumatisme est un événement que l’on n’a pas réussi à surmonter. Pour les enfants, et surtout pour les très jeunes enfants ou les nouveau-nés, l’impact est immense », explique Dams.

Selon lui, les premières années de vie sont cruciales : « Si un traumatisme survient durant les 100 à 1 000 premiers jours, la vulnérabilité est maximale. La mémoire active ne l’enregistre pas, mais l’inconscient, lui, le fait. Et c’est ce qui rend le processus de guérison si difficile. »

10 traumatismes qui marquent à vie

La science parle d’Adverse Childhood Experiences (ACE), une série de 10 expériences négatives vécues dans l’enfance (voir liste ci-dessous). Il en existe deux types : 5 que l’enfant vit directement, et 5 dont il peut être témoin dans le cadre familial.

« Pour chaque jeune que je vois, je compte les ACE. C’est mon thermomètre. Une stagiaire en criminologie a un jour calculé la moyenne dans mes dossiers : 5 à 6 traumatismes par enfant… C’est énorme à porter. »

Des études ont démontré que la probabilité d’atteindre l’âge adulte chute drastiquement au-delà de 8 ACE. « À partir de là, le traumatisme devient si lourd que certains jeunes choisissent parfois de mettre fin à leurs jours. Chez les filles, cela se traduit souvent par un repli sur soi : automutilation, comportements suicidaires. Les garçons ont plutôt tendance à extérioriser : révolte, violence, agressivité. »

Nous collons trop vite des étiquettes

Dams s’inquiète de la rapidité avec laquelle on colle des étiquettes aux enfants. « Nous collons des étiquettes beaucoup trop rapidement : autisme, TDAH, TOP. Il n’y a pas d’épidémie soudaine de ces troubles. Beaucoup de ces comportements sont en réalité l’expression de traumatismes non résolus. »

Et il arrive que certains prennent le mauvais chemin : « Ce sont des jeunes qu’il vaut mieux ne pas croiser quelques années plus tard, seul dans une allée sombre. Après un crime grave, la société se demande toujours : ‘Qui peut faire une chose pareille ?’ Mais jamais : ‘Comment la situation a-t-elle pu dégénérer à ce point ?’ La réponse nous ramène trop souvent aux traumatismes vécus durant l’enfance. »

C’est pourquoi Herman Dams soutient des initiatives comme celles de SOS Villages d’Enfants, qui, à travers expositions et campagnes, attire l’attention sur les conséquences des traumatismes. « Cette exposition est nécessaire, terriblement nécessaire. Et pour moi, elle pourrait devenir permanente – aussi longtemps qu’il y aura des tribunaux de la jeunesse. »

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Les 10 Adverse Childhood Experiences 

Maltraitance

• maltraitance physique : coups ou blessures
• maltraitance émotionnelle : humiliations, insultes, dénigrements.
• maltraitance sexuelle : attouchements inappropriés ou abus sexuels

Négligence

• négligence physique
• négligence émotionnelle

Dysfonctionnement familial

• parent souffrant d'un trouble mental
• parent toxicomane ou alcoolique
• parent ou membre du foyer divorcé ou décédé
• membre du foyer ayant commis des violences à l'encontre de la mère ou du partenaire (violence domestique)
• membre du foyer ayant un casier judiciaire et ayant purgé une peine de prison